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le robinson suisse.

solitude plus agréable et plus fertile que celle qu’elle a quittée. Si mes quatre fils ne se montrent pas pour elle obligeants, doux et vraiment bons comme des frères, je serai le premier à l’engager à nous quitter, ou bien je reléguerai les coupables dans la partie la plus éloignée de nos domaines ; car je supporterai la séparation la plus pénible plutôt que de voir la discorde, l’envie et les querelles s’établir parmi nous. Miss Jenny est remise aux mains de ma femme, qui la soignera, la conduira, la dirigera ; et personne ne devra chercher à lui donner des ordres arbitraires. Les femmes sont plus délicates, plus faibles que nous ; elles n’ont que des armes insuffisantes pour se défendre contre nous. C’est pour cela que, chez les nations sauvages, nous voyons si souvent les femmes rabaissées au rang d’esclaves et presque d’animaux domestiques. Pour nous, qui sommes nés dans une nation civilisée et qui sommes chrétiens, nous devons pratiquer la charité, la douceur, surtout quand il s’agit d’une jeune fille isolée, sans appui, que nous recevons dans notre famille. »

Après ces paroles, qui produisirent la plus grande impression, principalement sur mes fils aînés, je chargeai chacun de son travail respectif, sans entrer en d’autres détails sur ce sujet. Au bout d’une heure, tout fut prêt pour le départ. Miss Jenny brûlait d’impatience de voir notre maison dans le rocher, notre château sur l’arbre, ainsi que les belles fermes que nous possédions en différentes parties du pays, et dont mes enfants lui avaient fait les descriptions les plus pompeuses.

Notre traversée fut des plus heureuses, et nous arrivâmes de bonne heure à Prospect-Hill, où j’avais résolu de passer la nuit, parce que j’avais plusieurs arrangements à y faire. Cependant Fritz et François durent repartir le soir même, dans le caïak, pour Felsheim, où il fallait tout préparer pour notre réception ; et je vis avec satisfaction que Fritz ne fit aucune difficulté d’obéir, quoiqu’il eût préféré de beaucoup