Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
415
le robinson suisse.

liens de leurs peaux, ce qui ne nous prit guère que deux heures : je me servis de ma pompe foulante. Nous abandonnâmes, ainsi qu’on peut le penser, les restes de ces animaux aux oiseaux de proie, qui ne tardèrent pas à venir fondre sur eux de tous les points de l’horizon ; on eût dit, à les voir arriver en si grand nombre, tandis qu’auparavant rien n’annonçait leur présence, qu’ils avaient été créés tout exprès pour cette occasion. Je montai dans la chaloupe avec Ernest et Jack, et Fritz occupa de nouveau son caïak, dans lequel il nous servit encore de pilote pour trouver la passe qui conduisait hors de la baie. Dès que nous fûmes arrivés dans la haute mer, il se rapprocha de nous et me remit une lettre, arrivée, à ce qu’il me dit, par la poste avant que je fusse éveillé. Accoutumé à des plaisanteries de ce genre, je pris l’écrit de l’air le plus sérieux, et me retirai à l’écart pour le lire. J’y vis avec regret que, toujours préoccupé du sort de la malheureuse Anglaise naufragée, il avait résolu de tenter une entreprise dont je regardais le succès comme impossible. Je réfléchis un instant aux arguments que je devais employer pour le décider à y renoncer ; mais, quand je revins sur le tillac, je vis qu’il était déjà parti et qu’il forçait de rames dans une direction opposée à celle que nous suivions. Je dus donc me borner à lui crier à l’aide du porte-voix : « Adieu, Fritz, sois prudent, que le ciel te protège et te fasse revenir promptement ! »

Nous nous dirigeâmes du côté du levant : il ne fallait pas laisser ma femme dans l’inquiétude, en attendant le retour de Fritz ; vers le soir, nous arrivâmes sains et saufs dans la baie du Salut ; mais la joie de ma femme en nous revoyant fut bien diminuée par l’absence de son aîné, et celle de François par la mort de Bill. En revanche, les divers objets que nous apportions nous valurent le meilleur accueil, et surtout notre coton-nankin et les graines de cette plante, dont la soigneuse ménagère s’empara, dans l’intention de saisir la première occasion de les planter. Je me chargeai