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le robinson suisse.

avec ses pattes de devant, le flaira, lécha sa plaie sanglante, puis poussa un affreux rugissement de détresse et fit grincer ses dents.

Un coup partit, et l’animal souleva sa patte droite blessée. Les chiens, voyant que, de mon côté, je me disposais à tirer, s’élancèrent à la fois sur la lionne ; ils s’étaient déjà attachés à différentes parties de son corps, avant que j’eusse eu le temps de lâcher mon coup. Il s’ensuivit un combat terrible ; je puis bien dire que, de ma vie, je n’ai rien vu de si affreux.

L’obscurité de la nuit, les rugissements de la lionne, les cris plaintifs des chiens, qui indiquaient à la fois leur colère et leur frayeur, se réunissaient pour faire sur moi l’impression la plus vive. Je fus un moment embarrassé sur le parti que je devais prendre, et la lionne profita de mon incertitude pour donner au pauvre Bill, qui avait eu l’imprudence de s’attacher à sa gorge, un coup de patte qui l’éventra. Notre fidèle chien tomba mort à côté de son ennemie expirante, que j’achevai alors avec mon couteau de chasse. En ce moment, j’aperçus Fritz à la faible lueur de notre foyer. Il se disposait à tirer. Je fis quelques pas au-devant de lui, et, le prenant par la main, je le conduisis sur le champ de bataille, en l’engageant à se réunir à moi pour rendre grâce au ciel de nous avoir délivrés d’un péril si imminent. Nous criâmes après cela à Ernest et à Jack de venir nous joindre. Ils arrivèrent et se jetèrent dans nos bras en versant des larmes de joie et d’attendrissement. Restés seuls dans la chaloupe, ils avaient eu peur en même temps pour eux et pour moi, et cherchaient alors tous les moyens de se convaincre que nous étions réellement sains et saufs.

Après avoir ajouté de nouveaux aliments à notre feu de garde et allumé des torches, nous retournâmes sur le champ de bataille.

Le premier objet que nous y aperçûmes fut notre pauvre Bill, toujours suspendu à la gueule de la lionne, mais sans vie.