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le robinson suisse.

plus en plus resserrés, jusqu’à ce qu’il finit par prendre une position des plus menaçantes. Il s’étendit de toute sa longueur par terre, les yeux étincelants tournés de notre côté, et redoublant la rapidité des mouvements de sa queue. Mais, avant que j’eusse eu le temps de décider s’il fallait tirer ou gagner le large, j’entendis, du sein des ténèbres, retentir un coup si terrible, que j’en tressaillis de frayeur et presque de colère.

« Oh ! voilà Fritz ! » s’écria Ernest avec un soupir qui trahissait toute son inquiétude. Le lion sauta en l’air avec un rugissement effroyable, demeura immobile pendant quelques secondes, puis chancela et resta sans mouvement sur la place d’où naguère il nous épiait.

« Ah ! ah ! dis-je à mon jeune compagnon, le lion est frappé au cœur, et Fritz a fait un chef-d’œuvre. Mais je veux aller à son secours, dans le cas où il aurait encore quelque danger à courir. Restez ici, prêts à tirer, si c’est nécessaire. »

Je donnai donc quelques coups de rames, et je sautai de la chaloupe à terre, en un endroit où l’eau était peu profonde. Les chiens m’entourèrent avec toutes les marques de la joie ; mais ils me quittèrent bientôt après, et continuèrent à jeter des regards inquiets vers le bois. Cette conduite m’indiquait qu’il fallait user de précaution. En effet, au bout de quelques instants, un second lion, un peu plus petit que le premier, arriva du même côté, s’approchant à grands pas du lieu de notre débarquement. Après s’être arrêté un instant à la vue de notre feu, il continua son chemin sans avoir l’air de s’inquiéter ni de notre feu, ni de notre présence et de celle de nos chiens. Il allait et venait d’un air préoccupé, cherchant évidemment son compagnon que nous avions tué, et l’appelant d’une voix qui n’avait rien d’aimable. Je compris que c’était la lionne, et je me félicitai de ce qu’ils n’étaient pas arrivés tous deux à la fois, puisque nous n’aurions pas pu résister à leur attaque réunie.

Après quelques minutes, elle trouva le lion ; elle le tâta