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le robinson suisse.

ment, nous osâmes nous flatter que ce bruit ne se renouvellerait pas, et qu’il n’avait été causé que par la chute d’un rocher. Mais notre espérance ne fut pas de longue durée, le rugissement ne tarda pas à se faire entendre de nouveau ; et bientôt d’autres rugissements, les uns plus éloignés, les autres plus rapprochés, s’y joignirent comme pour y répondre.

« Quel infernal concert ! s’écria à la fin Fritz en sautant sur ses jambes et en saisissant son fusil de chasse. Des dangers nous menacent. Attisez le feu, retournez à la chaloupe, et tenez vos armes en état. Je vais aller à la découverte dans mon caïak ; car je crois avoir entendu des rugissements fort rapprochés, sur la côte même. »

En un clin d’œil le brave jeune homme fut dans son canot, se dirigeant vers l’embouchure du ruisseau ; il disparut dans l’obscurité de la nuit. Pour le reste, nous suivîmes, quoique à regret, ses instructions ; nous ajoutâmes du bois au feu et rentrâmes dans la chaloupe, prêts à tirer ou à forcer de rames pour nous éloigner, selon que le cas l’exigerait.

« Je suis pourtant surpris, dit Jack, que Fritz nous ait ainsi laissés dans l’embarras au moment où il savait que nous avions si grand besoin de son secours. Je croyais que c’était un garçon de cœur.

— Et je suis sûr qu’il l’est, répondis-je ; si je crains quelque chose, c’est plutôt son intrépidité, qui pourrait bien le pousser à s’exposer à de trop grands dangers. Que le ciel le préserve !

— Ce que je ne conçois pas, dit Ernest, c’est qu’il ait osé partir ainsi dans son caïak sans que vous lui en ayez accordé la permission.

— Cela s’explique, mon enfant, par son courage, par son ardeur, et surtout par sa présence d’esprit, qui lui fait comprendre en un instant quel est le meilleur parti à suivre. C’est une supériorité que prennent toujours sur les autres hommes ceux de qui la bravoure est prouvée. »

Nous parlions encore, quand nous vîmes notre singe Knips,