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de la chasse. En conséquence, Fritz se vit obligé d’abandonner à Ernest tout seul le soin de traîner la claie où se trouvait la monstrueuse tête du sanglier, et de prendre sur lui le rôle de guide de la caravane. Arrivés sur la grève, à peine eûmes-nous rendu la liberté à nos chiens, que ceux-ci retournèrent, avec la rapidité de la flèche, aux restes du sanglier, et ne revinrent auprès de nous que quand ils se furent amplement repus de sa chair.

Comme nous nous disposions, après cela, à mettre en pièces nos claies, nous remarquâmes que la plupart des branches dont elles se composaient étaient chargées d’une espèce de noix fort douces, mais qui, au lieu de noyau, renfermaient du colon long et fin et d’une couleur fauve, ressemblant beaucoup à celle du nankin, qui en effet est fabriqué d’un coton dont la couleur naturelle est celle de l’étoffe ; il est originaire de la province de Nanking en Chine. Je pensai donc que ce pouvait bien être là la véritable plante du nankin, et je mis soigneusement de côté toutes les noix que je pus recueillir, afin de les faire voir à ma femme, me réservant de saisir la première occasion pour en ramasser le plus possible, et en même temps pour choisir deux jeunes arbustes bons à être transplantés.

Sur ces entrefaites, Fritz et Ernest songeaient à rôtir la hure du sanglier à la mode otahitienne pour notre souper, après l’avoir préalablement farcie de truffes, ce qui nous promettait un repas fort délicat. Jack, qui s’était réveillé, sortit de la chaloupe et vint aider ses frères, pendant que, de mon côté, je faisais les premiers préparatifs nécessaires pour fumer les cuisses et les épaules. Le coucher du soleil nous surprit dans ces diverses occupations, et je n’avais encore eu que le temps d’allumer un petit feu, quand tout à coup le silence des premières ombres de la nuit fut interrompu par un rugissement terrible qui retentit du fond du bois voisin, et que les échos rendirent bien plus affreux en le répétant. À ce bruit, le sang se glaça dans nos veines. Pendant un mo-