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le robinson suisse.

« D’abord, mon cher père, je vous prie de m’excuser si je suis sorti ce matin sans vous avertir : maintenant que j’ai mon caïak, je me décide plus vite à aller en mer que quand il fallait passer une ou deux heures à préparer notre grande pinasse ; il suffit d’un beau temps, d’un simple désir de voyager, pour que je me mette en route. Depuis quelque temps, je pensais avec regret que nous ne savions encore rien du pays situé au couchant de celui que nous habitons. Je résolus donc de l’explorer. Je fis des provisions de voyage, que je mis en secret dans mon caïak ; outre un morceau de jambon, une vessie pleine d’eau, une autre pleine d’hydromel, j’emportai une gaffe, un harpon, des filets, une boussole et un bon fusil, sans compter les pistolets suspendus à ma ceinture et ma hache. L’aigle fut admis à m’accompagner, et, ce matin, pendant que vous étiez tous occupés dans la grotte, je sortis doucement pour gagner le rivage, et bientôt je fus embarqué.

« En passant entre les rochers où notre bâtiment s’est perdu, je vis au fond de l’eau, en cet endroit peu profonde et très-limpide, quelques pièces de canon, des boulets, des barres de fer, et d’autres objets assez lourds que nous retirerons peut-être un jour si nous parvenons à nous faire un levier assez fort. Puis je m’avançai vers la côte occidentale de l’île en doublant un promontoire formé de rochers énormes jetés pêle-mêle les uns sur les autres ou isolés. Les oiseaux de mer de toutes sortes ont pris les plus inaccessibles pour leurs repaires ; sur les moins élevés j’ai vu des lamantins dormant et ronflant au soleil. Je crois que ce lieu est leur retraite habituelle : de toutes parts se trouvent les squelettes et les longues dents de ces animaux. Il y aura là, si nous voulons, ample récolte à faire.

« J’avoue que, ne me sentant pas trop à mon aise en pareille compagnie, je m’échappai à travers les écueils, sans penser le moins du monde à me frayer un chemin par la force et par la violence. Ce ne fut qu’au bout d’une heure et