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le robinson suisse.

à nous procurer une situation plus avantageuse. Une chose m’effrayait cependant : la diminution de notre poudre. Je ne pouvais envisager sans crainte la perspective du jour où nous en serions privés. C’était là notre défense principale. Par elle seulement nous pouvions espérer de lutter avec avantage contre les grands dangers qui nous menaceraient, soit de la part des bêtes féroces, soit de celle des pirates malais ou des sauvages habitants de ces contrées. Il fallait donc la ménager et ne remployer que dans les circonstances où elle était réellement nécessaire. Pour nos chasses habituelles, nous avions des arcs, des flèches et des frondes, armes avec lesquelles nous étions maintenant assez familiarisés pour n’avoir besoin de recourir au fusil que dans les cas exceptionnels.

Mais, je l’ai dit, nous avions mis notre confiance en Dieu, et nous étions convaincus que la Providence, après nous avoir si visiblement couverts de sa protection, ne nous abandonnerait pas par la suite. Sans cette espérance, en effet, je n’aurais pu considérer l’avenir qu’avec effroi et découragement. Que serait devenue, plus tard, cette petite famille, si jamais elle ne devait revoir les hommes ? Quand la vieillesse et la mort auraient enlevé le père et la mère aux enfants, pouvais-je prévoir à quels destins ils seraient réservés ? Quel serait le sort de celui qui resterait comme dernier débris de notre colonie, assistant aux funérailles de toute sa famille, et se trouvant, solitaire et sans défense, livré à ses seules forces individuelles, peut-être déjà vieux lui-même ? Dans les heures où ces pensées se présentaient à mon esprit, j’éprouvais une ineffable consolation à élever mon âme vers Dieu, à remettre notre sort entre ses mains, sachant bien que celui qui prend soin de l’herbe des champs et de l’oiseau du ciel ne laissera pas sans soutien ceux qui le servent et qui l’aiment.