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le robinson suisse.

oiseaux, à peine plus gros que des papillons et dont les ailes sont aussi brillantes, venant se jouer au milieu de nos fleurs ; toujours en activité, tantôt ils se poursuivaient entre eux, se disputant un bouton ou une feuille ; tantôt ils se réunissaient contre quelque oiseau plus gros et l’attaquaient avec courage, jusqu’à ce que l’intrus eût quitté leur voisinage et les eût laissés grappiller à leur aise sur les arbres qu’ils s’étaient choisis. Nous étudiions leurs mœurs, leur caractère, leurs habitudes. Ces petits oiseaux sont d’une vivacité dont on ne saurait se faire une idée : on dirait qu’ils ne se posent jamais, tant ils s’arrêtent peu sur chaque fleur, toujours voltigeant de côté et d’autre, et ils semblent animés souvent de mouvements de colère qui ont quelque chose de comique ; ils se battent les uns contre les autres, quand ils veulent puiser ensemble à la même source ; quelquefois même ils tournent leur courroux contre la fleur où ils n’ont pas trouvé le suc qu’ils cherchaient : ils lui arrachent ses pistils, ses étamines, brisent même sa tige, et semblent vouloir la punir de ce qu’elle a laissé prendre son parfum, ou à un insecte parasite, ou à un oiseau de passage, ou même au soleil qui l’a desséchée, ou au vent qui en a emporté les arômes odorants.

Nous ne leur fîmes pas la chasse, car je savais que ces petits oiseaux ne peuvent vivre en captivité, il leur faut la liberté et l’espace ; mais nous fîmes tout ce que nous pûmes pour les engager à se fixer près de nous : des gâteaux de miel furent disposés aux environs, des caisses de fleurs choisies les invitaient à venir voltiger autour de notre habitation. Bientôt, en effet, quelques jolis couples bâtirent leur nid mignon dans les arbres à épices qui croissaient le long de notre galerie. Sans doute ils étaient retenus par l’odeur pénétrante de la vanille, ou par l’odeur des orangers : nous eûmes ainsi le plaisir d’assister sans cesse aux ébats de cette troupe joyeuse et animée, et de vivre au milieu d’elle sans la troubler ni la faire fuir.

Nos arbres à épices avaient prospéré, eux aussi, et nous