Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
le robinson suisse.

route. Bientôt nous eûmes atteint le petit bois où nous avions fait halte le matin ; nous ramassâmes notre vaisselle de calebasse laissée sur le sable. Nous sortions du bois quand tout à coup Turc bondit comme un furieux sur une troupe de singes que nous n’avions pas vus d’abord et qui ne nous avaient point remarqués eux-mêmes ; il saisit une guenon restée en arrière et occupée à caresser son petit. Vainement Fritz, perdant son chapeau et tout son bagage, courut pour l’arracher au chien : quand il arriva, la pauvre bête était étranglée, et son petit, caché dans les hautes herbes à quelques pas de là, regardait Turc en grinçant des dents. Alors je vis une scène comique et divertissante.

Le petit singe s’élança sur l’épaule de Fritz et s’accrocha si bien dans ses cheveux frisés, que ni cris, ni menaces, ni secousses, ne purent lui faire lâcher prise ; du reste, je savais que cet animal n’était point dangereux ; je rassurai donc mon fils, qui ne laissait pas d’avoir un peu peur. « Eh bien, lui dis-je en riant, ce singe qui vient de perdre sa mère te choisit pour son père nourricier. Pauvre orphelin ! il ne saurait guère par lui-même comment subsister ; d’un autre côté, une bouche de plus à nourrir est beaucoup pour nous.

— Oh ! papa, répondit Fritz, veuillez me permettre de garder cet animal ; j’en aurai soin, et peut-être un jour nous dédommagera-t-il de nos peines en nous aidant par son instinct à découvrir de bons fruits. »

Je consentis à sa demande. Pendant ce temps Turc achevait de dévorer la guenon, et l’effroi du petit singe fut extrême quand il vit revenir notre chien avec la gueule encore pleine de sang ; il se réfugia dans les bras de mon fils et cacha sa tête dans ses vêtements. À la fin, Fritz, fatigué de le porter ainsi, se tourna du côté de Turc. « Allons ! lui dit-il, pour expier ce que tu as fait, je veux mettre le singe sur ton dos. »

Il l’attacha en effet sur le dos de Turc, qui d’abord fut assez mécontent de servir de monture au singe. Nos caresses et