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le robinson suisse.

— Oh ! les rêves, répondit ma femme, ne signifient rien. Moi qui suis leur mère, je serais avertie, à ce compte, plus tôt que toi ; mais, quand même je rêverais à mes enfants toute la nuit, je n’aurais pas assez de confiance en cet avertissement mystérieux pour que cela suffit à me rassurer. »

En ce moment, je vis un pigeon rentrer au colombier, et je fis remarquer que c’était sans doute un pigeon étranger, car les autres avaient l’habitude de regagner leur nid de meilleure heure.

« Fermons la trappe tout de suite, dit Ernest ; qui sait ? c’est peut-être un courrier qui nous arrive de Sydney ou de Port-Jackson, et nous pourrons nous en servir pour lier correspondance avec cette colonie.

— Ah ça ! repris-je, à qui en as-tu, ce soir, avec tes idées de poste, de dépêches et de courriers ?

— La chose n’est-elle donc pas possible ? N’existe-t-il pas des pigeons voyageurs qui font le métier de courriers ?

— Sans doute ; mais il n’est pas probable que celui que tu viens de voir nous arrive d’aussi loin et soit porteur de quelques lettres à notre adresse. Enfin, si cela peut te faire plaisir, tu vérifieras ce fait demain matin, et je ne demande pas mieux que d’entrer en correspondance avec le gouverneur général de Sydney. En attendant, allons nous coucher, et tâche aussi, pendant ton sommeil, d’avoir des nouvelles de tes frères. »

Le lendemain matin, Ernest se leva avec le jour, et je le vis bientôt sortir du colombier et s’enfermer dans sa chambre. Évidemment, il y avait quelque chose de combiné dans sa tête. Au moment du déjeuner, en effet, nous le vîmes entrer avec gravité ; il tenait à la main un papier cacheté et plié dans le genre des ordonnances administratives, et, s’inclinant devant nous comme un fonctionnaire subalterne devant ses supérieurs, il nous dit avec un sérieux comique : « Le directeur du service des postes de Felsheim supplie Vos Seigneuries de vouloir bien l’excuser si les dé-