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le robinson suisse.

ne demandera pas mieux que de donner son consentement à ce projet. »

J’avais, en effet, l’intention de me rendre à l’Écluse pour renouveler ma provision de terre de porcelaine, et, voyant avec quelle ardeur les enfants accueillaient cette idée, je donnai volontiers mon adhésion à leur projet. Fritz n’eut pas plutôt entendu le oui paternel, qu’il se mit à dire : « Je vais, en ce cas, faire préparer tout de suite du pemmican. »

Mais ma femme, à cette demande, se récria. Elle ignorait, disait-elle, ce que c’était que ce nouveau mets de sauvages, et ne se souciait pas de surcharger sa mémoire, déjà fort riche en recettes culinaires européennes, de procédés barbares qui, le plus souvent, ne donnaient que de médiocres résultats.

« Maman, lui dit Fritz, le pemmican est tout simplement de la chair d’ours ou de chevreuil, ou de tout autre animal sauvage, pilée et hachée, que l’on presse fortement et qui donne ainsi un aliment très-substantiel et facile à transporter. Les voyageurs du Canada s’en servent toujours pour approvisionner leurs caravanes.

— Vous avez donc décidé une nouvelle expédition, et cela sans me consulter ? Je vois ce que c’est : comme on sait que je ne vois pas toujours avec plaisir mes enfants s’éloigner de la maison pour courir à la recherche de dangers inconnus, ceux-ci se dispensent de me consulter. Enfin, puisque cela est une affaire convenue, je ne veux pas m’y opposer ; mais je crois que pour une petite promenade de deux jours dans un pays fertile il est inutile de préparer des vivres comme pour un long voyage.

— C’est peut-être vrai, répondit Fritz ; mais un chasseur aime à vivre un peu comme les hardis voyageurs dont il connaît l’histoire : cela lui donne à la fois plus de hardiesse et plus de confiance. Et ne trouvez-vous pas aussi qu’il vaut bien mieux s’habituer à une sobriété d’anachorète que de