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le robinson suisse.

pelle, faisant bascule, entraînait le fléau de cette espèce de balance ; mais ce mouvement, en vertu de la forme même de la pelle, la faisait renverser, et le marteau retombait de tout son poids dans la partie creusée au centre. La pelle, revenant à la position horizontale, se remplissait d’eau, soulevait de nouveau le marteau, et le même phénomène avait lieu. Ainsi tout ce qui se trouvait dans la partie creuse était broyé par la chute continuelle du marteau ; mais, comme le grain que nous comptions y mettre eût pu sauter en l’air et les éclats se disperser, je remédiai à cet inconvénient en agrandissant la partie creuse de mon bloc de bois, et j y fis entrer en forçant un peu une des vertèbres de baleine que j’avais mises de côté à notre dernière excursion à l’îlot. Puis, avec les fanons, je fis à ce mortier une sorte de couvercle percé au milieu, juste de la dimension du marteau, en sorte que le grain frappé venait rebondir contre cet obstacle, et ne pouvait s’échapper du réservoir.

Il restait maintenant le soin de faire fonctionner la machine sans être à chaque instant obligé de remplir nous-mêmes la pelle de liquide. J’y arrivai au moyen d’un conduit de bambou qui amenait l’eau du puits précisément à la hauteur de la pelle relevée. D’autres tuyaux plus petits, partant du grand canal, distribuaient de l’eau aux autres pelles ; car il ne faut pas oublier que j’avais fait pour chacun des six blocs de bois l’opération que j’ai décrite pour un. Nous avions donc ainsi six foulons qui travaillaient ensemble sans que nous eussions à les surveiller ; et, comme les conduits d’eau n’étaient pas tous d’égal diamètre, il s’établissait une certaine différence entre le travail de chacun, ce qui faisait tomber comme en cadence les marteaux les uns après les autres. Je remarquai qu’en moyenne ils frappaient trois coups toutes les deux minutes : sans doute c’était peu comparativement aux machines employées dans les pays civilisés ; mais on doit remarquer que l’organisation de la mienne était très-simple, puisqu’elle ne nécessitait l’emploi d’au-