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le robinson suisse.

beaux arbres, doux et suaves parfums répandus dans l’air, ciel bleu et transparent au-dessus de nos têtes ; à nos pieds, golfe arrondi renfermant une mer calme et paisible, toute brillante de la lumière du soleil, qui se mirait dans ses ondes. Ce spectacle admirable ne m’empêchait point de gémir intérieurement sur le sort de nos malheureux compagnons. « Eh bien, dis-je à Fritz, Dieu veut, sans doute, que nous vivions ici solitaires. Tu vois le pays qu’il nous faudra habiter jusqu’à l’heure de notre délivrance, si cette heure doit venir. Soumettons-nous à la Providence ; tirons le meilleur parti possible de notre position présente.

fritz. — Je ne m’afflige point de nous voir seuls dans ce pays. Pourquoi regretterions-nous les gens du navire ?

moi. — Ne parle pas ainsi, enfant ; les gens du navire, à qui tu reproches de nous avoir abandonnés, sont dignes de notre compassion. »

De la colline, nous descendîmes vers un bois de palmiers ; mais, avant d’y arriver, il nous fallut passer à travers un champ de roseaux si fortement entrelacés, qu’ils gênaient beaucoup notre marche. Nous avancions avec précaution de peur de rencontrer quelque reptile. Turc nous précédait. Je coupai un de ces roseaux pour m’en servir, en cas de besoin, contre les serpents ; ce ne fut pas sans étonnement que je vis tomber un jus épais de mon roseau. Je goûtai ce jus : c’était le jus de la canne à sucre. Je ne voulus pas faire savoir sur-le-champ mon heureuse découverte à Fritz ; je lui dis seulement de couper lui-même un des roseaux, ce qu’il fit, sans se douter de rien. Mais, quand il vit ses mains toutes poissées, il humecta ses lèvres du jus qui sortait par les deux extrémités de la canne et s’écria plein de joie : « Papa ! papa ! des cannes à sucre ! quel régal pour maman et mes frères quand je vais leur en rapporter ! »

Il suça avidement plusieurs tiges de cannes à sucre, et je fus obligé de le gronder de sa gourmandise.

« J’étais si altéré, dit-il, et ce jus est si rafraîchissant !