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le robinson suisse.

Du reste, bien que je n’aie décrit qu’en quelques mots ces préparations, elles ne laissèrent pas de me prendre beaucoup de temps : d’abord il m’avait fallu confectionner des moules en bois, et j’avais mis à cela tout mon talent de tourneur à contribution, afin de donner au vase une fonne plus élégante ; il fallut m’y reprendre à plusieurs fois pour arriver à un résultat réellement satisfaisant. Comme les enfants voulaient quelques enjolivements, j’avais dessiné sur les assiettes et les tasses une guirlande de feuilles et de fruits que François s’était chargé de colorier. La couleur semblait bien un peu pâle à côté du brillant de l’assiette, mais ce simple dessin contribuait pourtant à relever le fond ; d’ailleurs, nous n’avions pas la pensée d’essayer de rivaliser avec les merveilles qui sortent des manufactures de Sèvres ou de Saxe. Quand bien même nous eussions eu à notre disposition les ressources qu’offrent les pays civilisés, nous étions des ouvriers trop novices pour produire rien de parfait.

De tous ces travaux je tirai cependant une instruction morale pour mes enfants ; je leur rappelai, d’abord, qu’avec du travail et de la persévérance l’homme intelligent peut arriver à mener à bonne fin toutes ses entreprises ; puis je leur montrai combien une occupation continuelle fait paraître le temps moins long, et comment les journées s’écoulent ainsi presque sans que l’on ait conscience de leur durée. « Aimez le travail, leur disais-je, car sans lui l’ennui viendrait bientôt vous assaillir, et vous ne pourriez lui résister dans cette île, qui ne vous offre d’autres distractions que celles que vous créera votre industrie. »

J’avais mis de côté quelques boules de terre de porcelaine, et mes enfants me demandaient à quoi je les destinais. « C’est pour faire les yeux de notre condor et de notre vautour. Avez-vous donc oublié qu’ils ne sont encore qu’à moitié empaillés ? Il faut achever ce travail. » En conséquence, je fis amollir les peaux en les plongeant dans de l’eau tiède, et je saupoudrai l’intérieur de gomme d’euphorbe