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le robinson suisse.

quantité de miel, que je ne savais à quoi remployer. J’en fis bouillir une partie avec de l’eau, je retirai l’écume et recueillis le reste dans deux tonneaux ; quelques pains de seigle firent fermenter rapidement la liqueur. Dans l’un des tonneaux j’ajoutai des épices destinées à en relever le goût, et, pour contenter tout le monde, je laissai l’autre tel que je l’ai dit plus haut. Mais, lorsque la fermentation fut terminée, le tonneau aux épices fut trouvé si bon par chacun, que je réservai le second pour faire du vinaigre, à l’exception de quelques bouteilles. Pour cela je laissai de nouveau fermenter la liqueur qu’il contenait, et quelques jours après j’eus un excellent vinaigre qui nous servit pour nos besoins journaliers.

Les enfants accueillirent cette composition avec d’autant plus de plaisir que, depuis longtemps, leur boisson ordinaire se composait d’eau pure. Il y eut grande discussion pour savoir quel nom on donnerait à la nouvelle liqueur. Les uns voulaient l’appeler vin du Cap, les autres madère. Je proposai alors le nom de muscat de Felsheim : « Cela vous rappellera, ajoutai-je, à la fois la muscade qui entre pour beaucoup dans son parfum, et le muscat de Frontignan que vous aimiez tant. Quant à l’autre vin, comme le bambou qui le contient lui a donné un peu d’amertume, on pourrait l’appeler malaga. »

Les différents succès que je venais de remporter dans l’état de tanneur et dans celui de vigneron m’engagèrent à tenter un essai de chapellerie. Ce travail présentait plus de difficultés, en ce sens qu’il s’écartait davantage de toutes les industries auxquelles nous nous étions appliqués jusqu’à ce jour. Cependant je ne désespérai pas d’arriver, non à la perfection de nos chapeliers européens, mais au moins à la réalisation de ce que nous désirions tous. Comme la cochenille était la teinture que nous avions le plus en abondance, il fut décidé que nos chapeaux seraient rouges. Ensuite je distribuai à chacun de mes ouvriers sa part de travail.