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le robinson suisse.

de nouveau remise sur le tapis. On me prit pour arbitre, et j’adjugeai en dernier ressort la possession de l’autruche à maître Jack, qui était, d’un côte, plus agile que ses deux frères aînés, et, de l’autre, plus fort que François. Toutefois j’y mis la restriction qu’avant tout l’autruche était un bien commun, en sorte que chacun avait le droit d’en disposer dans les circonstances importantes.

Cet arrêt causa des transports de joie à Jack, et ses frères se vengèrent un peu de son succès en lui faisant quelques plaisanteries. Mais celui-ci était trop fier de sa propriété pour écouter leurs moqueries ; il passait son temps à faire galoper l’autruche de Felsheim à Falkenhorst, et nous remarquâmes qu’elle mettait à parcourir ce trajet le tiers du temps qu’il fallait à nos autres coursiers.

Je ne dois pas oublier de dire que notre couvée artificielle n’avait pas réussi : trois œufs arrivèrent bien à l’éclosion ; mais sur les trois poussins l’un mourut à peine au sortir de la coquille, les deux autres ne survécurent que quelques jours. Ce ne fut pas cependant faute de soins de notre part ; nous leur abandonnions volontiers toutes nos friandises : glands doux, mais, lait, riz, cassave, manioc, tout leur était prodigué ; rien ne put tenir lieu de la sollicitude maternelle. Ces petits poussins étaient, du reste, les plus singulières bêtes qu’on puisse voir avec leurs longues jambes et leur petit corps non emplumé.

Nous n’avions pas oublié les peaux d’ours. Voici la préparation à laquelle je les soumis. Au moyen d’un vieux couteau, je parvins à les polir assez convenablement, ensuite je les laissai tremper pendant plusieurs jours dans du vinaigre pour les rendre plus fermes et conserver le poil : ce vinaigre remplaçait le tan ; puis je les frottai d’un mélange de graisse et de cendre qui les assouplit, et nous eûmes bientôt d’excellentes couvertures.

La manière dont je m’étais procuré du vinaigre me donna aussi l’idée de faire de l’hydromel. Nous avions une telle