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le robinson suisse.

dinaire à calmer toute velléité de rébellion. Je commençai à lui faire porter des fardeaux légers, puis de plus lourds. Je l’attelai enfin à la charrette, et je la fis monter par mes enfants.

Au bout d’un mois, elle était parfaitement apprivoisée, et je songeai à en tirer parti comme d’une monture ; mais ici j’avouerai mon embarras. Comment la diriger ? Au moyen d’un mors ? Mais qui avait jamais entendu parler de mors pour un bec ? Mes souvenirs étaient complètement en défaut. Il me vint heureusement l’idée d’appliquer le procédé suivant. Je fis une sorte de capuchon dans le genre de celui de l’aigle, mais ayant deux ouvertures pour les yeux ; une écaille de tortue, jouant au moyen d’un ressort de baleine, recouvrait ou découvrait à volonté ces ouvertures. Cet appareil étant posé, quand les deux écailles étaient relevées, l’oiseau, voyant des deux yeux, allait droit devant lui. Si on baissait une des écailles, il se dirigeait du côté d’où lui venait la lumière ; enfin, si on les baissait toutes deux, il s’arrêtait subitement. Le ressort étant fixé aux rênes, on pouvait donc conduire l’animal à volonté ; seulement, il nous fallait, à nous aussi, un peu d’apprentissage pour ne pas faire d’erreur ; car l’action produite par la main était précisément l’opposé de ce qui arrive pour les chevaux : avec ceux-ci, en effet, il faut agir du côté où l’on veut les diriger ; avec mon capuchon, c’était le contraire.

Les enfants voulurent, pour donner meilleur air à cette coiffure, l’orner d’un panache provenant de la dépouille de la première autruche, et, en effet, ces plumes flottantes n’avaient pas mauvaise grâce.

Pour compléter le harnachement, je fabriquai une selle qui, je le déclare, eût mérité sans aucun doute, pour l’invention et la commodité, une médaille d’encouragement de la part d’un syndicat de selliers appelés à juger le problème.

Dès que l’équipement de l’autruche fut terminé, la question de savoir à qui elle appartiendrait définitivement fut