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le robinson suisse.

mandait pardon de sa faute au bon Dieu et à moi. Je l’embrassai, et nous partîmes après nous être recommandés à la divine providence. La séparation fut douloureuse, et déjà nous étions assez loin que nous entendions encore les tristes adieux de ceux que nous avions quittés.

La rivière présentait des deux côtés des bords si escarpés, qu’il nous fallut la remonter longtemps par un passage étroit avant de pouvoir trouver un gué. Enfin, ayant atteint l’autre rive, nous nous mîmes à suivre le rivage de la mer. Tout à coup, derrière nous, dans les hautes herbes, un grand bruit se fit entendre. Je frémis intérieurement en pensant que ce pouvait être un tigre ou une autre bête féroce attirée par notre présence. Fritz, calme, immobile, arma son fusil et attendit… Il fit bien de ne pas lâcher son coup ; il aurait tué… notre pauvre Turc, que nous avions oublié au moment du départ, et qui, maintenant, nous rejoignait. Vous pensez qu’il reçut un bon accueil et force caresses. Je louai Fritz de son sang-froid.

Nous continuâmes notre route, regardant de tous côtés, examinant même le sable du rivage pour voir si nous ne découvririons pas les traces de nos malheureux compagnons ; Fritz voulait tirer quelques coups de fusil pour se faire entendre d’eux, s’ils se trouvaient dans ces parages. Je lui dis : « Ton idée est bonne ; malheureusement tu courrais risque, en même temps, d’être entendu des bêtes féroces et des sauvages, qui viendraient à nous pour nous tuer.

fritz. — Au surplus, mon père, pourquoi courir à la recherche de ces matelots, qui nous ont abandonnés si indignement dans le navire ?

moi. — Pour plusieurs bonnes raisons, mon fils. D’abord il ne faut pas rendre le mal pour le mal ; ensuite, ces hommes nous seraient utiles dans l’île ; enfin, et c’est la raison principale, s’ils ont échappé au naufrage, n’ayant pas emporté, comme nous, beaucoup de choses du navire, ils meurent peut-être de faim !