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verne, qui semblait considérer ce spectacle avec de gros yeux indécis. Enfin, quand nous ne fûmes plus qu’à quelques pas, elle parut prendre un parti, et, s’élevant lourdement, elle s’envola au loin, en sorte que nous l’eûmes bientôt perdue de vue. À ses pieds nous vîmes un des plus petits oiseaux, qui, sans doute, avait été puni de mort pour sa témérité trop curieuse.

« Ma foi, dis-je à Fritz, ces oiseaux sont réellement de terribles ensevelisseurs ; en vérité, leurs estomacs semblent des tombeaux toujours vides prêts à recevoir de nouveaux cadavres. Un jour plus tard, et nous aurions bien pu être dispensés de tout travail sur les ours. »

En pénétrant dans la grotte avec précaution, je reconnus alors que nos branchages et nos fagots d’épine avaient préservé notre butin, qui, sans cela, eût certainement profité à ces voraces animaux. Ils avaient seulement dévoré l’œil d’un des ours. Trouvant que, d’ailleurs, tout était resté comme nous l’avions laissé, je revins examiner l’oiseau que nous avions trouvé mort. Ma femme eût vivement désiré y voir une nouvelle espèce de poule d’Inde qui eût enrichi sa basse-cour, mais un examen, même superficiel, suffisait pour nous prouver que nous avions là un oiseau de proie. « Oh ! dit ma femme, cette ressemblance de la poule d’Inde avec cette vilaine bête finira par m’en dégoûter.

— Ne t’y trompe pas, repris-je, la poule d’Inde se nourrit fréquemment aussi de corps morts. Cependant ceci évidemment n’est pas une poule d’Inde ; c’est, je crois, l’araha, ou vautour du Brésil, qui est plus petit que le vautour d’Afrique. Quant à l’oiseau tué par Fritz, je suis assez de l’avis de maître Jack, qui prétend que c’est un condor, le plus fort et le plus grand de tous les oiseaux de proie. Il dit l’avoir mesuré avec son fusil et avoir trouvé seize pieds d’envergure. »

Nous dressâmes ensuite la tente près de la caverne, et, en enfonçant dans la terre un des piquets destinés à l’assu-