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le robinson suisse.

idée avez-vous eue d’abattre à la fois tant de gibier ? Ordinairement vous êtes moins prodigues de votre poudre et vous ménagez mieux les dons que la Providence nous envoie. »

Je me hâtai de lui expliquer commuent le hasard était pour beaucoup dans cet abatis général ; chacun de nous avait tiré presque en même temps sans s’inquiéter des autres, et presque tous les coups avaient porté. De plus, les chiens s’étaient mis de la partie, en sorte que nous nous étions trouvés sans grand’peine maîtres d’une bonne provision de porcs. « Mais ce n’est pas un mal, ajoutai-je ; qui sait quand nous pourrons rencontrer une occasion semblable ? Le cochon se conserve fort bien, et, du reste, je ne serais pas fâché qu’un exemple aussi rigoureux écartât de nos plantations ces hôtes incommodes qui peuvent y faire beaucoup de dégâts. »

Fritz, sur ces entrefaites, nous proposa de nous faire goûter un rôti de sa façon, ou plutôt, dit-il, de la façon des indigènes de Taïti. J’acceptai sa proposition, mais pour le lendemain seulement, car nous avions trop de besogne ce jour-là pour nous occuper de cuisine.

En conséquence, après ce bon dîner que nous mangeâmes promptement, nous nous mimes tous à l’ouvrage. Je voulais faire construire une sorte de cabane comme à Felsheim pour fumer nos jambons ; auparavant, il fallait préparer et saler la viande sans compter les trois cochons tués par Ernest et Turc, que nous devions vider et écorcher. Notre halte pouvait donc se prolonger pendant deux ou trois jours encore.

Voici comment je distribuai la tâche : Fritz, aidé de Jack et de François, s’occupait du fumoir ; les deux plus jeunes, servant en quelque sorte de gâcheurs à mon aîné, lui préparaient les matériaux. Ernest et moi, après avoir vidé les deux cochons qui restaient, nous nous mimes à retirer les jambons et la graisse qui se trouve dans ces animaux entre-