Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
le robinson suisse.

maître Ernest assis ou plutôt étendu sur un lit de roseaux, et s’occupant à tresser une nasse d’une grandeur extraordinaire qu’il destinait, disait-il, à la pêche des saumons. « Du reste, ajouta-t-il, je n’ai pas perdu mon temps, car j’ai tué le petit du boa. »

Ces mots excitèrent aussitôt mon attention, et je suivis Ernest, qui avait caché sa capture sous les joncs. En la découvrant, je ne pus m’empêcher de rire, car ce que mon cher philosophe avait pris pour un reptile dangereux n’était autre chose qu’une magnifique anguille de quatre pieds. « Allons, lui dis-je, tu as chanté victoire un peu trop tôt ; mais, si nous n’avons pas un pendant pour notre musée, au moins ta chasse nous donnera-t-elle ce soir un très-bon souper. »

Jack et Fritz nous avaient rejoints et considéraient la capture de leur frère. « Oh ! papa, me dit le premier, nous ne pourrons pas la manger. Voyez donc, les vers s’y mettent déjà. » Et il me montrait quatre ou cinq petits reptiles longs de quelques pouces qui sortaient de l’anguille.

« Mais ce ne sont pas des vers, me hâtai-je d’ajouter ; ce sont de petites anguilles qu’il faut jeter bien vite à l’eau, où nous les retrouverons plus tard. Vous ne savez donc pas que l’anguille est vivipare, c’est-à-dire que ses petits sortent d’elle tout vivants, tandis que les autres poissons pondent leurs œufs. »

Nous prîmes tous alors le chemin de Felsheim, chargés de notre attirail et de notre butin, et nous traversâmes le marais avec autant de bonheur que dans la matinée. François, monté sur l’onagre, vint au-devant de nous ; je trouvai ma femme au milieu de ses travaux de lessive. Parmi nos découvertes, celle de la terre à foulon lui causa un plaisir particulier, et elle se mit immédiatement à en faire usage.