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le robinson suisse.

« Tes vers ne sont pas mauvais, lui dis-je ; et, bien que le dernier ait un pied de trop, comme ce sont, sans doute, les meilleurs qui aient été composés dans cette île, nous les graverons sur une pierre, afin qu’ils passent à la postérité. »

Sur ces entrefaites, mes autres enfants vinrent nous rejoindre, et aussitôt l’échantillon de la poésie d’Ernest fut analysé, disséqué, épilogué par chacun ; mais le poète fut de bonne composition, et ne se fâcha pas de la manière peu respectueuse dont on traitait sa muse encore novice.

Nous eûmes quelque peine à retirer le corps informe de l’âne de la gueule du boa ; nous y parvînmes cependant en y attelant les buffles ; nous creusâmes une tombe dans l’herbe à cet endroit même, et nous la recouvrîmes d’un amas de pierres pour la défendre contre les chacals ou autre animaux voraces. Puis, après un léger repas, nous donnâmes toute notre attention au boa.

Les enfants étaient très-embarrassés de savoir comment ils parviendraient à l’écorcher sans endommager la peau. Je voulais les laisser chercher un peu, pour mettre à l’épreuve leur patience et leur imagination ; mais ils semblaient incapables de se tirer eux-mêmes d’affaire.

« Faites, leur dis-je alors, comme le nègre du capitaine Stedmann. Voici son procédé. Ayant, avec une corde, hissé un boa qu’il avait tué, de manière que la tête atteignit la branche d’un arbre assez élevé et que la queue pendît jusqu’à terre, il monta à l’arbre, et, se plaçant sur le dos du serpent, d’une main il enfonça un couteau dans le ventre de l’animal, et de l’autre il se laissa glisser jusqu’à terre, en sorte que son poids seul suffit à fendre la peau dans toute son étendue. Aucun de vous, sans doute, ne serait en état de faire ce tour de force ; aussi vaudrait-il mieux que ce soit le boa qui glissât sous le couteau, et que l’homme restât fixe sur la branche. Nous pourrions arriver à ce résultat en élevant d’un côté le serpent par la tête, et le faisant descendre ensuite de l’autre côté.