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le robinson suisse.

pêcher de trembler. Fritz était le plus calme de nous tous ; cependant il comprenait combien j’avais eu raison de nous retrancher derrière nos fortifications et d’accumuler tous les moyens de défense possibles.

Pour bien saisir notre situation, il faut se rappeler que notre grotte était surmontée d’un colombier, entourée d’un treillage de branches assez serrées pour empêcher de voir du dehors ce qui y était renfermé, mais pas assez pour que l’on ne pût observer du dedans : en agrandissant une des ouvertures, nous avions fait passer nos canons de fusil et nous nous tenions là comme à l’affût.

À mesure que le serpent s’approchait davantage, il semblait plus indécis sur la marche à suivre. Avait-il senti le voisinage de l’homme, et son instinct l’avertissait-il qu’il y avait là un danger inconnu, ou bien cherchait-il à distinguer plus nettement l’endroit où il pourrait trouver un passage ? Je ne le sais. Quoi qu’il en soit, après quelques minutes d’hésitation, il vint s’étendre à trente pas environ en face de notre demeure.

À ce moment, Ernest, plus par peur que pour commencer l’attaque, laissa partir la détente de son fusil, et, en entendant ce faux signal, Jack, François et ma femme elle-même firent aussi feu bravement. Mais les quatre coups semblèrent perdus, car le reptile se releva avec une vivacité qui témoignait trop bien qu’il n’était pas blessé. Fritz et moi lui lâchâmes alors nos deux coups de fusil, sans être plus heureux, soit que nous eussions mal ajusté, soit que l’écaille dont il était revêtu le mît à l’abri de nos balles.

En entendant cette seconde décharge, le serpent poussa un sifflement aigu, et, prenant sa course avec une rapidité extrême, il se glissa dans le marais des Canards, où il ne tarda pas à disparaitre au milieu des roseaux.

À cette fuite précipitée de notre ennemi, chacun poussa une exclamation joyeuse, et nous nous mîmes à en parler, comme si tout péril eût été passé. Mes enfants soutenaient