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le robinson suisse.

tous ensemble : « Si ; tu as trouvé quelque chose ! un cochon de lait ! un cochon de lait ! Où l’as-tu pris ? » Et Fritz nous présenta sa capture. Après l’avoir félicité sur sa chasse, je le blâmai de son mensonge, et lui dis qu’il ne fallait jamais déguiser la vérité, même en riant. Il rougit et me promit de se souvenir de ma réprimande.

Alors il nous raconta que de l’autre côté du ruisseau il avait trouvé un pays admirable rempli de beaux arbres, et qu’il avait vu sur le bord de la mer une grande quantité de caisses, de tonneaux et de pièces de bois de toutes sortes.

« N’irons-nous pas chercher tout cela, mon père ? me demanda-t-il. Et le navire, n’y retournerons-nous pas pour en tirer notre bétail et surtout la vache ? Changeons de domicile ; ici le soleil nous brûle ; plus loin, nous aurons l’ombrage des palmiers.

— Patience, patience, Fritz ! lui répliquai-je : chaque jour suffit à sa peine ; nous verrons ce qu’il nous faudra faire demain et après-demain ; avant tout, dis-moi si tu as découvert quelque trace de nos malheureux compagnons.

— Aucune, ni d’homme vivant ni d’homme mort.

— Espérons encore ! interrompit ma femme : peut-être un bâtiment les aura-t-il recueillis en route. »

Je ne dis rien ; seulement, en moi-même, je réfléchis sur les dangers d’un embarquement fait en tumulte au milieu de l’effroi général.

Fritz reprit son récit : « J’ai vu plusieurs autres animaux de la même espèce que celui-ci. Ils m’ont paru fort singuliers ; leurs habitudes diffèrent de celles des porcs ordinaires : ils sautent légèrement ; ils portent l’herbe à leur bouche à la manière des écureuils. »

Pendant ce temps Ernest, le sérieux observateur, examinait, palpait, retournait en tous sens le prétendu cochon de lait ; puis il s’écria d’un ton solennel : « Ton porc n’est point un porc ; je lui vois des dents incisives comme aux rongeurs ; c’est un agouti.