Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
le robinson suisse.

pour nous remettre à flot. Ce que je prévoyais arriva. Mais cela ne suffit pas pour tranquilliser la chère mère ; elle avait conservé de notre premier naufrage une impression trop vive pour ne pas redouter longtemps encore les périls du perfide Océan. Aussi, toutes les fois que nous préparions une excursion maritime, trouvait-elle quelque prétexte pour nous en dissuader ; et il ne fallait rien moins que mon autorité de père, appuyée sur de solides raisonnements, pour obtenir ses consentement.

Un spectacle singulier vint tout à coup frapper nos regards du côté de la pleine mer : il nous sembla apercevoir une double rangée de rochers à fleur d’eau, dont la présence en ce lieu, où nous ne les avions jamais vus jusqu’à ce jour, était trop singulière pour ne pas nous mettre en défiance contre le témoignage de nos yeux ; en effet, un examen plus attentif me convainquit que ce que nous prenions pour des récifs n’était autre chose que deux troupes de lions marins ou de morses, qui, de loin, nous paraissaient se battre entre eux avec acharnement. Je fis force de rames pour nous éloigner de ce dangereux voisinage, et quelques instants après nous abordions à l’îlot.

À peine fûmes-nous débarqués que les enfants, sans s’inquiéter de la pirogue, se mirent à courir le long du rivage en me laissant à moi seul le soin de la tirer sur le sable. Cette étourderie de leur part me causa quelque mécontentement, et je me préparais à leur adresser des reproches à ce sujet, quand je vis maître Jack accourir précipitamment vers moi en criant : « Oh ! papa, venez vite ! Un mammouth dont le cadavre est à la place de la baleine !

— Un mammouth dans les latitudes où nous sommes ! Cela me paraît bien extraordinaire. Tu auras pris la carcasse de la baleine pour le cadavre de cet animal que tu ne connais pas.

— Non, non, répliqua l’enfant avec vivacité, ce n’est pas du tout la baleine. »