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le robinson suisse.

À mesure que nous avancions vers la ferme, les cris de nos animaux domestiques nous arrivaient plus forts et plus distincts ; bientôt nous fûmes au milieu d’eux, et nous trouvâmes tout en bon état ; seulement les moutons et les chèvres étaient devenus si sauvages, que mes enfants ne pouvaient les atteindre ; il fallut avoir recours à la fronde, qui ne tarda pas à nous ramener captives quelques-unes de ces capricieuses bêtes. Ma femme se mit à les traire, et recueillit ainsi plusieurs jattes d’un lait excellent, puis elle rassembla les bêtes de la basse-cour autour d’elle et fit son choix parmi les poulets, les oies ou les canards qui devaient peupler la nouvelle colonie.

La promenade nous avait mis en appétit ; aussi dînâmes-nous avec plaisir : la plupart de nos provisions consistaient en viandes froides ; le morceau de langue de la baleine fut servi comme plat d’honneur, mais nous le trouvâmes tous si mauvais, que nous en fîmes immédiatement abandon au chacal de Jack, qui s’en régala ; pour nous débarrasser de l’arrière-goût d’huile rance qui nous en était resté, nous fûmes obligés d’avaler plusieurs tasses de lait et de manger quelques noix de coco.

Après le dîner, je laissai ma femme préparer tout pour le départ, et Fritz et moi nous allâmes couper quelques cannes à sucre, notre rafraîchissement habituel, et une vingtaine de jeunes pousses destinées à être transplantées dans l’île.

Le bateau était chargé de tout ce dont nous avions besoin ; je lâchai la corde qui nous attachait au rivage, et je cinglai dans la direction du cap de l’Espérance-Trompée. Mais, cet endroit nous étant fatal, nous éprouvâmes encore un petit accident : le fond de la barque vint à toucher contre un banc de sable à fleur d’eau. Ma femme, à qui la mer causait toujours un effroi involontaire, se mit à trembler pour nous tous. J’essayai de la rassurer, en lui disant que notre situation n’avait rien de dangereux, et que le flux suffirait