étions-nous débarqués, que tous mes petits fous voulaient se précipiter dans la barque et commencer à l’instant même une longue excursion. Je modérai leur ardeur et leur annonçai que le lendemain matin nous irions par eau à Prospect-Hill prendre les volailles nécessaires à la colonie, et que tous seraient de la partie.
En conséquence, nous préparâmes, le soir même, nos armes et nos provisions, et chacun se coucha de bonne heure pour être prêt à se lever plus tôt.
Aux premiers rayons du soleil, tout le monde était sur pied. Ma femme avait placé les provisions de bouche de la journée au fond de la pirogue ; parmi ces provisions était la fameuse langue de baleine qu’Ernest disait être un morceau délicat.
Une brise légère nous conduisit promptement jusqu’à la hauteur de Prospect-Hill. La machine fonctionnait bien, et j’avais soin de nous maintenir à environ trois cents pieds du rivage pour avoir partout une profondeur suffisante. Nous vîmes en passant l’île du Requin, le château de Falkenhorst avec ses grands arbres, puis les rochers de Felsheim, le vert îlot de la Baleine, et enfin notre cher établissement de Prospect-Hill.
Nous abordâmes auprès du bois des Singes, afin de renouveler notre provision de cocos et de choisir quelques espèces de plantes que je voulais transporter dans l’île. En pénétrant dans le bois, nous fûmes salués par le chant du coq. Ce chant me rappela ma patrie ; je l’avais si souvent entendu dans nos montagnes annoncer au voyageur fatigue le voisinage d’une métairie où l’on trouve une bonne et franche hospitalité, que je ne pus m’empêcher de faire un retour mélancolique sur le passé. Ce souvenir, quoique triste, avait un certain charme. Cependant je ne voulus pas le faire partager à mes enfants, dans la crainte d’affaiblir leur courage par des regrets inutiles ; je me hâtai donc de leur parler de nos projets de colonisation.