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le robinson suisse.

désir, qui était de rester toujours, comme un autre Robinson, dans cette solitude. Je ramenai sans peine mon jeune rêveur à des idées plus pratiques ; je lui montrai que l’homme n’avait pas été créé pour l’isolement, et que la vie de Robinson n’était qu’une utopie, fort belle peut-être dans un livre, mais impossible à réaliser. « Vois, dis-je en terminant, les peines que nous sommes obligés de prendre pour nous procurer ce dont nous avons un besoin absolu, et nous sommes six réunis ! Que pourrais-tu donc faire abandonné à toi-même ? Tu ne tarderais pas à mourir, comme la baleine que nous avons trouvée. Rends grâces au ciel, au contraire, de t’avoir conservé ta famille, car te l’enlever, c’eût été en même temps t’ôter la vie. »

Ernest se rendit à mes raisons, et, quelques minutes après, nous nous rembarquâmes. Les flots étaient encore assez agités, ce qui augmentait la fatigue de nos rameurs ; aussi se plaignaient-ils à moi d’avoir tant de peine, en me demandant d’y remédier.

« Vous êtes trop exigeants, répondis-je, et cependant, si j’avais une roue de fer du diamètre d’un pied environ, j’essayerais de vous satisfaire.

— Une roue de fer ? reprit Fritz ; mais, parmi nos ferrailles, il y en a deux à peu près de la dimension que vous demandez : elles proviennent, je crois, d’un tournebroche, et, si ma mère ne s’en sert pas, je vous les trouverai aisément. »

Je ne voulus m’engager à rien, et, pour abréger la route, je dis quelques mots aux enfants sur le corail ; je leur appris d’où il provenait, et comment les polypes le déposaient en arbres très-forts, en agglomérant leur bave visqueuse, qui se sèche et se durcit ensuite avec les années.

Cette petite leçon d’histoire naturelle fit passer le temps, et nous arrivâmes bientôt à Felsheim, où nous trouvâmes notre ménagère qui avait tout préparé pour nous recevoir. Je lui parlai de notre projet de retourner près de la baleine,