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le robinson suisse.

nos pieds. Je laissai à ma femme et au petit François le soin de ramasser et de plumer les pigeons, pendant que moi, je m’occupai de mes torches pour la chasse nocturne projetée.

Jack vint me rejoindre, apportant quelques pigeons que nous reconnûmes pour être de notre race domestique ; ils furent épargnés, et nous résolûmes de leur construire plus tard un colombier au-dessus de notre grotte.

Après le souper, à la tombée de la nuit, nous partîmes pour la chasse aux flambeaux, ayant, pour armes uniques, de longs bambous, des torches de poix et des sacs ; mes fils et surtout Fritz riaient un peu de mes préparatifs peu formidables. Nous nous rendîmes au bois de chênes à glands doux, et j’allumai mes torches ; les pigeons, qui étaient endormis en grand nombre sur les branches des arbres, furent réveillés en sursaut. Éblouis par l’éclat de cette lumière subite, ils s’agitèrent et se mirent à voler avec inquiétude dans le feuillage. Nous en fîmes tomber plus d’une centaine en secouant les branches ou en frappant sur l’herbe avec nos bâtons de bambou ; tous les pigeons pris ainsi furent enfermés dans quatre grands sacs. Quand il me sembla que nous avions du gibier en quantité suffisante, je donnai le signal du départ. Les sacs furent suspendus aux extrémités de deux perches que nous portions sur nos épaules, comme on porte un brancard ; on se relayait de temps en temps. Nous étions enveloppés de nos couvertures blanches, traînant jusqu’à terre, nous marchions lentement ; à la lueur de nos torches nous avions un air étrange et mystérieux : quelqu’un qui nous eût vus dans cet équipage aurait pu nous prendre pour des croquemorts portant en terre un criminel condamné par le redoutable tribunal vehmique.

Arrivés à Falkenhorst, pour épargner à nos pigeons, déjà à moitié étouffés, de plus longues souffrances, nous leur coupâmes le cou ; chacun alla ensuite se coucher et goûter le sommeil dont nous avions tous si grand besoin.

J’avais pensé à employer la journée du lendemain à faire