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le robinson suisse.

Nous étions tous rentrés dans nos cuves, excepté ma femme, que nous attendions, et qui revint tenant dans ses bras un assez gros sac qu’elle jeta dans la cuve où se trouvait le petit François. Je crus que c’était uniquement pour servir de coussin à cet enfant assis sur des ballots assez durs ; je ne fis donc à ce sac aucune attention particulière. Je coupai le câble qui nous retenait au corps du navire, et nous partîmes. Voici quel était notre ordre d’embarquement :

Ma femme occupait la première cuve sur le devant ; dans la seconde, à côté d’elle, était le petit François, âgé de six ans ; dans la troisième, Fritz, âgé de quatorze à quinze ans, surveillant nos munitions de guerre ; les poules et la toile à voile étaient placées dans la quatrième, et les provisions de bouche dans la cinquième ; dans la sixième était Jack, âgé de dix ans ; dans la septième, Ernest, âgé de onze ans ; enfin, dans la huitième, moi, la main appuyée au gouvernail. Au moment où nous commencions à nous éloigner du navire, les deux chiens, restés à bord, poussèrent des hurlements plaintifs, puis sautèrent à la mer. Bientôt ils nous eurent rejoints à la nage. Je n’avais pas voulu les prendre avec nous, car, comme ils étaient fort gros, leur poids aurait pu faire chavirer notre bateau. Turc était un chien anglais, et Bill un chien danois. Quand ils se sentirent fatigués, ils s’appuyèrent de temps à autre avec leurs pattes de devant sur la barre du balancier : Jack ayant cherché à leur faire lâcher prise, je l’en blâmai vivement en lui disant que ces chiens étaient aussi des créatures vivantes, et que, si nous les protégions maintenant, elles pourraient bien elles-mêmes nous protéger plus tard.

Nous allions lentement : point de vent, à peine quelques vagues douces et peu élevées ; seulement, autour de nous, flottaient çà et là des caisses, des tonnes, des ballots, arrachés par la mer à notre navire. Fritz et moi nous pûmes, au moyen d’un croc de fer et de longues cordes, saisir au