Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
le robinson suisse.

l’espérance comme l’inquiétude ne laisse pas dormir longtemps. Dès que nous eûmes fait en commun notre prière, je dis à mes enfants : « Maintenant il s’agit, avec le secours de Dieu, de nous mettre hors de danger. Donnez à manger aux bêtes pour plusieurs jours ; si notre expédition réussit, j’espère que nous pourrons venir les chercher. Prenez tout ce que vous croyez le plus nécessaire dans ce moment. »

Notre premier chargement consista en un baril de poudre, trois fusils de chasse, trois carabines, des balles, du petit plomb autant que nous pouvions en prendre, deux paires de pistolets de poche, une paire de pistolets d’arçon et des moules à balles ; chacun de mes fils et leur mère avaient une gibecière bien garnie ; nous en avions trouvé de très-bonnes dans les effets des officiers de l’équipage. Nous avions, de plus, une caisse de tablettes de bouillon et de biscuit sec, un baril de harengs, une marmite en fer, une ligne à pêcher, une caisse de clous et une autre d’outils, tels que marteaux, scies, tenailles, haches, tarières, etc., etc. ; une toile à voile dont je voulais faire une tente. Mes enfants apportèrent tant de choses, que je dus en laisser, bien que j’eusse déjà remplacé le lest par des objets utiles.

Après tous ces préparatifs, quand nous étions déjà descendus dans la barque, après avoir imploré la protection de Dieu, nous entendîmes le chant des poules et des coqs, qui semblaient nous dire un long et triste adieu : je pensai alors que nous ferions bien de les emmener avec nous, ainsi que les oies, les canards, les pigeons ; car, me dis-je à moi-même, en supposant qu’il nous soit impossible de les nourrir, ils nous nourriront peut-être à terre.

Nous allâmes donc prendre une dizaine de poules et deux coqs, que je mis dans une des cuves en les couvrant d’une toile pour les empêcher de s’envoler. Quant aux oies, aux canards et aux pigeons, je leur donnai la liberté, persuadé qu’ils sauraient bien trouver moyen d’atteindre le rivage plus tôt et mieux que nous, les uns en nageant, les autres en volant.