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le robinson suisse.

cédente. Quel bonheur de posséder maintenant une demeure saine, éclairée, commode, remplie de provisions pour nous et pour notre bétail ! que j’étais heureux de voir ma femme travailler au milieu de sa famille avec son rouet ou à son métier de tisserand fabriqués par moi, tant bien que mal ! Elle nous tissa une étoffe moitié laine, moitié coton, pour nos vêtements, et de la toile pour des chemises et des draps.

Je parvins à me faire à moi-même un tour avec une petite roue de canon ; je pourvus le ménage de quelques ustensiles et de quelques meubles. Mes fils m’imitèrent, et le penseur Ernest ne tarda pas à se montrer plus habile tourneur que moi ; il donna à sa mère de très-jolis objets. Le soir, à la lueur de nos lampes et de nos bougies, nous jouissions d’une illumination plus belle que celle du palais des rois, grâce aux cristaux de la voûte, aux colonnades et aux portiques naturels qui répétaient des milliers de fois avec des éclats de toutes couleurs les flammes de nos lumières. Nous avions même des concerts. Comme Jack et François montraient des dispositions pour la musique, je leur fis, avec des roseaux, de petits flageolets sur lesquels ils purent accompagner leur mère, dont la voix était très-douce et très-mélodieuse. Plus tard, je leur donnai des leçons de danse et d’escrime ; mais jamais je ne laissai passer un seul jour sans qu’ils consacrassent une ou deux heures aux exercices gymnastiques, si nécessaires au développement des forces corporelles.

Vous voyez que nous étions des gens assez civilisés. Loin de la société des hommes nos semblables, condamnés peut-être pour le reste de notre vie à rester dans cette ile déserte, nous avions pourtant tout ce qui est nécessaire à l’existence. Actifs, laborieux, sains de corps et d’esprit, nous n’éprouvions point les ennuis ni les tristesses de l’oisiveté. Les sentiments les plus vifs de nos cœurs étaient une tendresse réciproque les uns pour les autres, et une reconnaissance infinie envers