Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
le robinson suisse.

donc pas mauvais. Allons aux voix. » On approuva à l’unanimité l’idée émise par le fils aîné. Restait à savoir lequel d’entre nous serait particulièrement chargé de former le taureau à sa destination militaire. J’avais pensé d’abord à l’instruire moi-même, chacun de mes enfants ayant déjà un élève, à l’exception du petit François. Comme je craignais que, restant toujours près de sa mère et un peu gâté par elle, il ne devînt trop délicat, je saisis cette occasion d’animer son courage.

« Mon ami, lui dis-je, serais-tu content si je te confiais le taureau à élever ? » Les beaux yeux bleus de l’enfant s’animèrent. « Ô papa ! me répondit-il, que vous me feriez plaisir ! Je me rappelle très-bien l’histoire de l’homme appelé Milon, qui, ayant commencé par porter un veau sur ses épaules et s’étant obligé à le porter ainsi tous les jours, devint si fort par cet exercice, qu’il put porter plus tard le veau devenu bœuf. Je ne saurais, je l’avoue, en faire autant, car le veau est déjà beaucoup plus gros que moi ; mais je puis l’accoutumer à recevoir mes soins, à m’aimer, à m’obéir ; et, quand il sera tout à fait grand, il me reconnaîtra toujours et je ne le craindrai pas ; alors, moi aussi, je serai grand et fort.

moi. — Tu ne dois pas t’attendre, mon ami, à ce que tes forces croissent dans les mêmes proportions que celles du taureau. L’homme, destiné à vivre plus longtemps que la plupart des animaux, se développe aussi plus lentement ; dans un an tu ne seras encore qu’un garçon assez faible, et ton taureau sera déjà très-vigoureux ; mais tâche seulement, comme tu le dis, de l’accoutumer à toi et de lui apprendre à t’obéir.

françois. — Je veux aussi monter sur lui, comme Jack monte sur son buffle ; ce sera un solide cheval.

fritz. — Quel nom lui donneras-tu ?

françois. — Je l’appellerai Vaillant : ce nom lui portera bonheur dans les combats.