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le robinson suisse.

fortes cordes ; ces vessies me permettraient, au besoin, de doubler la charge de mon léger bâtiment.

Maintenant notre flotte était au grand complet : pinasse et pirogue ! que pouvions-nous désirer de plus ?

J’ai oublié de dire que, quelques semaines avant notre départ pour l’établissement des deux colonies, notre vache nous donna un veau, auquel je perçai les narines connue au buffle afin de le dompter ; ce jeune taureau, très-vigoureux, commençait déjà à porter une petite selle.

« Que voulez-vous donc faire du taureau ? me demanda Fritz ; il est si brave et si courageux, qu’il me semble que nous pourrions facilement le dresser au combat, comme font les Cafres. »

Ma femme, qui entendit ces paroles et qui avait lu autrefois quelques descriptions des combats de taureaux en Espagne, s’écria que nous ne devions pas, nous, donner de pareils spectacles dans notre île.

« Il y a beaucoup de différence, lui dis-je, entre les combats de taureaux des Espagnols et ceux dont parle Fritz. Les Cafres ne dressent leurs taureaux que dans un but utile : pour défendre leurs troupeaux exposés sans cesse aux attaques des tigres, des panthères, des lions et d’autres animaux féroces très-communs en Afrique. Dès que le taureau gardien et combattant devine, par instinct, l’approche d’un de ces terribles ennemis, il avertit les vaches par un beuglement particulier, et les fait se ranger en cercle, les veaux au milieu ; toutes présentent leurs têtes cornues à l’assaillant, pendant que le taureau se précipite sur lui, le tue ou le force à s’éloigner, à moins que ce ne soit un lion, qui ne recule jamais ; alors le taureau n’a d’autre parti que de sacrifier généreusement sa vie au salut général. Les Cafres sont divisés en tribus souvent en guerre les unes contre les autres ; les troupeaux suivent toujours leurs maîtres ; les taureaux, qui forment l’avant-garde, décident assez souvent de la victoire. Le conseil de Fritz n’est