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le robinson suisse.

quelques corps assez lourds, mais tenant peu de place ; alors ma barque fut en équilibre. Mes enfants firent entendre des cris joyeux. Ils se disputaient déjà à qui entrerait le premier dans la barque. Je les retins, car je me disais avec raison qu’ils pourraient, par leurs mouvements trop brusques, faire chavirer la machine, et je pensai, afin de parer à cet inconvénient, à me pourvoir d’un balancier comme celui qu’emploient certains sauvages pour maintenir l’équilibre de leurs longues pirogues. J’en fis donc un, et voici comment. À l’avant et à l’arrière je plaçai deux morceaux de vergues égaux en longueur et attachés par une cheville de bois, mais pouvant se mouvoir ; à l’extrémité de chacun de ces morceaux de vergues je suspendis solidement deux tonneaux vides et bien bouchés. On comprend qu’ainsi mon bateau ne devait plus chavirer ni à droite ni à gauche. Je fabriquai ensuite des rames.

Il fallait sortir du navire ; sur un des flancs était une grosse crevasse ; je l’élargis à coups de hache, et nous eûmes ainsi un passage assez large ; mais, comme la journée touchait à sa fin, nous remîmes notre départ au lendemain, tout en regrettant de rester encore une nuit sur ces débris de bâtiment.

Nous mangeâmes avec d’autant plus d’appétit que, durant les longues heures de travail, nous n’avions pas même pris un morceau de pain ni bu un verre de vin. Comme nous étions bien plus tranquilles que le jour précédent, nous nous livrâmes sans crainte au sommeil. Nous avions eu soin pourtant de nous munir des appareils natatoires imaginés par mon fils aîné. Je conseillai aussi à ma femme de changer ses vêtements pour un habit de matelot qui serait plus commode en ces circonstances et laisserait plus de liberté à ses mouvements ; elle y consentit, non sans peine : ici la raison faisait loi. Elle trouva précisément dans le coffre d’un jeune matelot des effets qui allaient très-bien à sa taille.

Le lendemain, au point du jour, nous étions tous éveillés :