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le robinson suisse.

pée, j’envoyai Fritz et Jack à notre demeure pour nous rapporter des pommes de terre, des jambons, du fromage, du poisson fumé et des gâteaux de cassave ; ils devaient aussi donner de la nourriture aux animaux que nous avions laissés soit à Falkenhorst, soit à Zeltheim. Fiers de leur mission, ils partirent au grand trot, montés, l’un sur l’onagre, l’autre sur le buffle, et emmenant en laisse l’âne comme bête de somme ; Turc les accompagnait.

En leur absence, je suivis avec Ernest les bords du ruisseau, et j’arrivai jusqu’à la paroi escarpée du rocher d’où j’espérais découvrir les traces de notre première excursion dans ces lieux ; elles n’étaient plus visibles. Nous arrivâmes à un marécage ou petit lac, sur les bords duquel nous vîmes du riz sauvage en pleine maturité ; d’innombrables troupes d’oiseaux en sortirent à notre approche ; Ernest, se montrant alors meilleur tireur que Fritz lui-même, en abattit plusieurs que nous reconnûmes pour des outardes. Je fus très-surpris de la justesse de son coup d’œil.

Cet enfant, avec sa lenteur ordinaire, ne se passionnait pour rien ; mais, grâce à son esprit d’observation, il réfléchissait à tout, et savait, à l’occasion, réussir mieux que les autres dans ses entreprises. Pourtant son habileté ne nous aurait pas été très-utile en cette occasion, sans le jeune chacal qui nous suivait et qui alla ramasser le gibier dans les parties de la rizière où nous n’osions entrer nous-mêmes, de peur d’enfoncer dans ce sol mou et détrempé par les eaux. Maître Knips, qui était sur le dos de Bill, nous fit découvrir, au milieu d’une verdure épaisse, cette belle et grosse fraise blanche et délicieuse à la bouche, que l’on nomme en Europe : fraise du Chili ou fraise ananas. Nous eûmes soin d’en emplir la hotte du singe, afin d’apporter quelque chose de bon à notre famille.

La vue de ce lac charmant, qui bornait la rizière au nord, nous rappela notre patrie : « La Suisse est transplantée ici ! » s’écria Ernest.