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le robinson suisse.

— Ah ! répliqua l’enfant d’un ton triste et chagrin, si j’avais des cuves comme celle dont j’ai vu ma mère se servir, je me chargerais bien de vous mener au rivage. J’ai souvent navigué de la sorte sur les étangs de mon parrain. »

Ces paroles furent pour moi une inspiration subite.

« Bravo, Jack ! m’écriai-je transporté de joie ; ton conseil est bon. En avant les scies, les marteaux, les vrilles, les clous ! à l’œuvre ! »

Et, disant cela, j’emmène tout mon monde à fond de cale, où je me rappelai d’avoir vu des tonneaux vides. Les tonneaux nageaient à la surface de l’eau, entrée là par plusieurs fentes. Sans trop de peine, ma femme et moi nous les transportâmes sur le premier plancher, qui était presque au niveau de la mer. Ces tonneaux, en bois de chêne, forts, solides, garnis de cercles de fer, convenaient à mon but. Je les sciai en deux, et, après un long travail, j’eus huit cuves d’environ huit pieds de diamètre sur quatre de hauteur ; je les attachai l’une à côté de l’autre sur une longue planche, au moyen de grosses chevilles. Ensuite, je les garnis, de chaque côté, d’une autre planche ; ces deux planches, qui se joignaient par devant et par derrière, formaient ainsi la proue et la poupe d’une sorte de bateau. Il s’agissait maintenant de le lancer à la mer ; mais il était si lourd, que, malgré tous mes efforts, je ne pus seulement le remuer. Comment faire ? Par bonheur, Fritz avait vu un cric dans une des chambres ; il courut le chercher. À l’aide de cet instrument et d’un rouleau que je mis sous la planche formant le fond, mon bateau fut bientôt à flot. Jack trouva que je manœuvrais très-lentement mon cric. Je pris de là occasion de lui faire remarquer qu’il ne fallait jamais, en aucune chose, trop se hâter, de peur de perdre son temps et sa fatigue précisément par trop de promptitude.

La machine de mon invention tenait bon sur l’eau, mais malheureusement elle penchait beaucoup trop d’un côté. Je compris qu’elle avait besoin de lest. Je jetai dans les cuves