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le robinson suisse.

crois déjà distinguer les nageoires, armées de pinces, qui s’ouvrent et se ferment successivement. Si cet animais élançait hors de l’eau, ne serions-nous pas en danger ?

moi. — Tu crains déjà d’être avalé par lui, comme tu avales toi-même une bouchée de pain ? Laissez là toutes vos suppositions, quelque ingénieuses qu’elles vous paraissent. Les plus grands cétacés n’occuperaient pas seulement, en longueur et en largeur, la dixième partie de l’espace de ce banc mouvant.

ernest. — J’ai pourtant lu que les baleines sont si grandes, que souvent des navigateurs, les prenant pour des îles, ont jeté l’ancre sur leur dos, et ont été entraînés par elles au fond de la mer avec leurs vaisseaux.

moi. — Il y a dans ces récits beaucoup d’exagération ; j’admets cependant que de loin on pourrait prendre le dos d’une baleine pour un îlot, mais en approchant d’elle il est facile de reconnaître son erreur ; quant aux vaisseaux entraînés au fond de la mer par une baleine, c’est un conte inventé à plaisir. Il me semble tout simplement que ce que nous voyons là est un banc de harengs. Il ne tardera pas à entrer dans cette baie, joignons-le et profitons d’une si bonne occasion pour amasser des provisions.

françois. — Qu’est-ce donc, papa, qu’un banc de harengs ?

moi. — On appelle banc de harengs une énorme quantité de ces poissons qui parcourent d’immenses espaces de mer, dans l’ordre le plus parfait, et si serrés les uns auprès des autres, qu’ils ne forment, pour ainsi dire, qu’une seule masse compacte de plusieurs lieues de large. Tu dois connaître les harengs, car tu en as mangé bien souvent en Europe.

françois. — Oui, papa, je me souviens que ce sont des poissons très-salés, et qui vous déchirent la bouche et le gosier. Ceux que nous voyons là viennent, sans doute, de la Suisse ?