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le robinson suisse.

la retraite à quelques-unes des plus grosses, les renversaient sur le dos et les tuaient ; nous faisions de leurs œufs un excellent plat, et de leur chair un bouillon délicieux. Mais il nous vint une idée fort singulière au premier abord, et que, pourtant, nous exécutâmes. Manger toutes ces tortues eût été chose impossible ; nous pensâmes à en faire un parc. Au lieu donc de les tuer nous leur passions de fortes cordes dans l’écaille, et nous attachions ces corder à des pieux solides, très-près de la mer, où nos prisonnières pourraient entrer.

Pour les homards et les crabes, ils étaient, la plupart du temps, abandonnés aux chiens. Nous avions pris goût aux huîtres.

Un matin, au moment où nous longions le rivage, Ernest nous fit observer, à notre grande surprise, un mouvement extraordinaire dans la mer, du côté de la baie du Salut ; on aurait dit qu’un feu souterrain mettait l’onde en ébullition : elle s’élevait et s’abaissait par un mouvement rapide ; au-dessus des petites vagues écumantes voltigeaient des mouettes, des frégates, des fous, des albatros, et d’autres oiseaux aquatiques que nous ne connaissions pas. Ensemble ils poussaient des cris rauques et sauvages ; voulaient-ils combattre entre eux, ou se livraient-ils à de joyeux amusements ? Nous hâtâmes le pas. Mes fils faisaient toutes sortes de suppositions contradictoires.

« Je serais assez porté à croire, nous dit Ernest, qu’il y a là-bas quelque gros cétacé, baleine ou cachalot, qui, de temps en temps, élève à la surface de la mer son dos, sur lequel se trouvent toujours beaucoup de petits poissons ; les oiseaux, sans doute, viennent pour les avaler. Vous verrez bientôt ce monstre, qui se réchauffe maintenant au soleil, étendre ses nageoires, puis, par une secousse violente, se précipiter au fond de l’abîme, laissant après lui un tourbillon assez fort pour engloutir un vaisseau.

jack. — Je suis de l’avis d’Ernest, d’autant plus que je