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le robinson suisse.

disjoints et à moitié pleins d’eau : il fallut jeter leur contenu ; le troisième n’était point si gravement avarié. Cette perte m’affligea plus que celle de beaucoup d’autres objets, et me fît comprendre encore mieux la nécessité d’avoir un lieu sûr pour abriter nos richesses. J’espérais peu y réussir, malgré les plans et les conseils de Fritz. Robinson Crusoé trouva, lui, une grotte spacieuse qu’il n’eut besoin que d’arranger et d’approprier à son usage ; tandis que nos rochers n’offraient dans toute leur longueur que des anfractuosités à peine visibles et étaient formés d’une pierre à grain très-dur. Je calculai qu’il nous faudrait, avec nos forces bornées, au moins trois ou quatre ans pour tailler une grotte capable de nous loger commodément avec nos bestiaux. Que de difficultés ! Je résolus cependant de faire un essai, ne fût-ce que pour avoir un endroit où nous pourrions mettre en sûreté notre poudre, le plus précieux de tous nos trésors.

Un jour donc je partis de Falkenhorst de grand matin avec mes deux courageux travailleurs Fritz et Jack, laissant à la maison ma femme, Ernest et François. Dans la charrette nous avions mis des pieux, des barres de fer, des marteaux, des ciseaux, etc. Je choisis une place où le rocher était presque perpendiculaire, très-élevé, et d’où la vue s’étendait au loin, sur la baie du Salut, sur la rivière du Chacal et sur les bois de palmiers ; je traçai avec du charbon le contour de l’ouverture que nous voulions faire, et nous nous mîmes à l’œuvre. Le premier jour, après un travail qui nous avait extrêmement fatigués, la sueur au visage, les mains déjà pleines d’ampoules, nous mesurâmes la profondeur de l’excavation faite avec tant de peine ; c’était si peu de chose, que, presque découragés, nous fûmes sur le point de renoncer à notre métier de carriers. Cependant nous persistâmes : nous avions remarqué que la pierre devenait si friable à un pied de profondeur environ, qu’elle se détachait avec la pelle, comme le limon desséché. Je conclus