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le robinson suisse.

ques jours après nous pâmes y transporter nos matelas nos couvertures, enfin les choses nécessaires à notre ménage, et nous l’habitâmes de nouveau.

Ma femme s’occupa de sa filature, et, à sa prière, pendant que mes fils conduisaient paître les bestiaux, je lui fis avec des pierres larges et minces une sorte de four où nos paquets de lin séchèrent parfaitement ; je l’aidai ensuite à le teiller, à le carder ; nous obtînmes de longues quenouilles d’un lin très-doux, très-flexible et prêt à être filé. Ma femme était remplie de joie. Elle voulut, sans tarder, un rouet bien commode, bien solide et un dévidoir. Dès qu’elle eut l’un et l’autre, elle resta à filer du matin jusqu’au soir, ne se permettant pas la moindre promenade, ne quittant son ouvrage qu’avec peine pour nous préparer à manger. Elle n’était jamais si contente que quand nous la laissions seule avec le petit François, qui dévidait pour sa mère. Elle désirait même faire filer ses autres enfants, mais ils ne montrèrent point de goût pour cet ouvrage de femme, à l’exception d’Ernest, pourtant, qui préférait la quenouille à des travaux plus pénibles. Nous avions un si grand besoin de linge et de vêtements, que je lui permis d’aider sa mère, bien résolu de l’emmener avec nous dès qu’il y aurait une quantité suffisante de fil.

Nous commençâmes nos courses par Zeltheim. L’hiver avait fait de ce côté plus de ravages qu’à Falkenhorst : la tente était enlevée, toutes les toiles qui servaient de couvertures déchirées, les provisions en grande partie avariées. Heureusement que la pinasse n’avait point souffert. Elle était restée immobile et ferme sur ses quatre ancres dans la baie du Salut, tandis que le bateau de cuves, amarré plus près du rivage, était disloqué et incapable d’endurer de nouveau la mer.

Ayant ouvert les caisses, je mis au soleil tout ce qui me sembla n’être pas encore complètement perdu. Des trois barils de poudre à canon laissés sous la tente, deux étaient