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le robinson suisse.

grande quantité de ces clochettes sur le navire ; elles étaient destinées, je crois, aux sauvages, qui donnent en échange des objets de toutes sortes ; grâce à ces clochettes, nous pourrions suivre les traces des déserteurs et les ramener au bercail.

Chaque jour j’employai plusieurs heures à l’éducation de notre buffle ; la plaie de sa narine était parfaitement cicatrisée, et je passais dans cette ouverture tantôt une corde, tantôt un bâton, qui servait de mors ; j’espérais venir à bout d’habituer cette belle et forte bête non-seulement à traîner notre char, mais encore à se laisser monter. Le buffletin s’accoutuma vite au trait ; mais, les premières fois que nous essayâmes de lui poser des fardeaux sur le dos, il entra dans une fureur terrible. Je lui mis, non sans peine, une sangle et une selle fabriquées avec de la toile à voile, et Knips dut faire l’écuyer. Il se tint si bien cramponné à la selle, que le buffle, malgré ses sauts et ses ruades, ne put le jeter à bas : après le singe vint le tour du petit François : de crainte d’accident j’eus soin de tenir la bête. Jack désira aussi essayer la nouvelle monture et même la conduire ; il fallut le contenter. Je passai donc dans le nez du buffle un morceau de bois, aux deux extrémités duquel fut attachée une ficelle servant de bride que je remis au jeune cavalier. D’abord Jack se tint assez solidement ; mais, ayant lâché la bride à son cheval cornu, il fut précipité à terre ; par bonheur il tomba sur le sable sans se faire le moindre mal. Ernest, Fritz et moi nous recommençâmes l’expérience, et ce ne fut qu’au bout de sept à huit jours que nous parvînmes à le dompter. Depuis, mes trois fils aînés le montèrent en même temps, et je frémissais malgré moi quand cette bête fougueuse, rapide comme l’éclair, les emportait à travers plaines et forêts : la chute alors eut été mortelle. Bientôt ils le rendirent aussi docile qu’un cheval de manège.

Fritz ne négligeait point son aigle : chaque jour il lui faisait manger quelques petits oiseaux tués par lui à coups