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le robinson suisse.

chair, très-délicate, a le goût de celle du dindon. Si maman veut, elle peut l’apprivoiser.

la mère. — Je suis d’avis qu’on lui rende la liberté : peut-être a-t-elle des petits auxquels ses soins sont nécessaires.

moi. — Ma chère amie, remettre cette bête blessée en liberté, ce serait la condamner à mourir bientôt faute de soins. J’examinerai sa blessure ; si elle est mortelle, il faudra bien tuer l’oiseau, qui nous fournira un excellent rôti ; si, au contraire, elle est guérissable, nous l’apprivoiserons pour notre basse-cour. »

Ayant ainsi parlé, j’attachai l’outarde sur le traîneau, et nous nous avançâmes vers le bois où nous avions trouvé précédemment tant de singes, et que, pour cette raison, nous avions appelé bois des Singes. Ernest ne pouvait se lasser de regarder ces arbres si hauts, si élancés et si beaux ; un superbe palmier, haut de plus de soixante pieds, garni de ses grappes de cocos, attirait surtout son admiration. Je remarquai une expression de convoitise sur son visage, et je l’entendis prononcer ces mots d’un ton plaintif :

« Hélas ! que c’est haut !

moi. — Oui, c’est bien haut ! Tu regrettes, sans doute, que ces noix de coco ne tombent pas d’elles-mêmes dans la bouche ?

ernest. — Non, papa ; car je craindrais en même temps d’avoir quelques dents et peut-être les mâchoires cassées par le choc. »

Il achevait à peine de parler, quand une des plus grosses noix, se détachant de l’arbre, vint rouler à ses pieds ; puis une seconde, puis une troisième : il recula effrayé. J’étais aussi surpris que lui, car je n’apercevais pas le moindre animal ; d’un autre côté, je savais que les noix de coco ne tombent d’elles-mêmes que mûres ou gâtées ; or celles-ci étaient fraîches et vertes.

« Papa, dit Ernest, c’est comme dans les contes des bonnes fées : à peine un souhait est-il formé qu’il s’accomplit.