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le robinson suisse.

course, les sauts, la corde à nœuds. Je suis persuadé que rien n’ôte plus le courage à un homme que l’aveu qu’il est obligé de se faire à lui-même de son impuissance et de sa maladresse. Je voulus ensuite leur apprendre un exercice qui leur avait été inconnu jusqu’alors : je pris deux balles de plomb et les attachai aux deux bouts d’une corde longue de six pieds. Mes enfants avaient les yeux fixés sur moi ; ils me demandaient à quoi ma machine était bonne, et comment on s’en servait.

« Je vous fabrique, leur répondis-je, une arme en usage chez les Patagons, peuplades vaillantes qui habitent l’extrémité méridionale de l’Amérique du Sud. Comme ils n’ont point de balles, ils les remplacent par de lourdes pierres attachées à une courroie. Veulent-ils tuer un animal ou un homme, ils lancent contre eux une des pierres avec une force extraordinaire et presque toujours à coup sûr. Ils retirent cette pierre au moyen de l’autre, retenue dans leur main ; ils lancent ensuite celle-ci pour frapper une seconde fois. Veulent-ils arrêter un animal sans le blesser, ils lui lancent encore une de leurs pierres, mais de manière qu’elle serve seulement à entortiller la courroie à ses jambes ou à son cou. »

Ces détails intéressèrent mes enfants ; et, à leur prière, je dus sur-le-champ faire l’essai de mon invention. Je choisis pour but un tronc de jeune arbre, que j’entourai très-bien avec ma fronde. Fritz s’en servit avec beaucoup d’adresse. Les autres s’exercèrent à leur tour, mais avec moins de succès ; du reste, il n’est pas étonnant que Fritz l’emportât sur eux : il avait quelques années de plus et une intelligence plus développée ; même dans les exercices du corps, l’intelligence est d’un grand secours.

Le lendemain, à mon lever, je vis, du haut de notre château aérien, qu’il y avait tempête en mer ; je résolus donc de rester à terre et me mis aux ordres de ma femme pour tout ce qu’elle jugerait bon de commander. Après m’avoir