Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
91
le robinson suisse.

objets utiles pour son ménage. Nous transportâmes le tout dans notre magasin.

Il nous fallut une semaine pour reconstruire la pinasse en son entier. Tous les matins, mes trois fils et moi, nous partions après la prière pour ne revenir que le soir avec du butin. Ma femme s’habitua à se séparer de nous sans être aussi inquiète qu’au commencement ; elle avait même le courage de se rendre souvent, avec François, à Falkenhorst, où nos volailles réclamaient ses soins.

Que nous passions de douces heures le soir, au retour ! comme les mets de notre table rustique nous semblaient délicieux !

Cependant la pinasse fut achevée et prête à être lancée à la mer. Mais comment la faire sortir du navire, que la première tempête pouvait briser ? Nous étions vraiment fiers de voir cette pinasse si jolie, si élégante, si légère, et portant déjà ses mâts et ses vergues. Nous l’avions calfeutrée avec soin ; toutes les jointures étaient garnies d’étoupe ; nous avions même placé les deux canons à l’arrière, où de solides chaînes de fer les assujettissaient comme sur un vaisseau de guerre. Percer à coups de hache les parois du vaisseau était un travail fort long, peut-être au-dessus de nos forces ; et puis, si une tempête survenait, si la mer, soulevée avec fureur, précipitait ses vagues dans l’intérieur du bâtiment ! Je me décidai pour un expédient hardi, dangereux, mais d’un grand effet.

J’avais trouvé dans le navire un de ces mortiers de fer dont on se sert dans les cuisines ; je le remplis de poudre ; je plaçai dessus une planche de chêne, épaisse et solide, la fixant avec deux forts crampons ; par une rainure faite à cette planche, j’introduisis une mèche à canon assez longue pour pouvoir brûler pendant deux heures au moins. Je serrai enfin, autour de la planche et du mortier, d’énormes chaînes de fer, et j’obtins ainsi un pétard ou une sorte de machine infernale que je suspendis dans le cabinet où était la pinasse,