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le robinson suisse.

Leurs espérances furent déçues : j’avais trop de choses à rapporter dans notre bateau de cuves pour le surcharger inutilement ; je leur ordonnai de rejoindre leur mère et de lui dire ce que je n’avais pas eu moi-même le courage de lui apprendre en partant, à savoir : que je resterais deux jours absent.

Je leur fis ramasser du sel pour que leur course ne fût pas inutile. Ils me promirent d’être à Falkenhorst avant midi. À ce propos, je demandai à Fritz de leur laisser sa montre d’argent ; et, pour le décider à cet acte de complaisance, je dus lui donner à entendre que nous en trouverions peut-être une en or sur le navire.

Nous montâmes dans notre bateau, et, poussés par un vent très-favorable, nous arrivâmes promptement au navire. Tout d’abord je m’occupai de chercher des matériaux nécessaires à la construction d’un radeau. Je trouvai douze grandes tonnes qui me parurent très-convenables pour ce travail. Après les avoir vidées, je les attachai ensuite au moyen de clous, de cordes, de planches ; je plaçai dessus une sorte de pont et un rebord tout autour ; j’eus alors un radeau capable de contenir huit fois plus de charge que notre bateau de cuves. Il nous fallut une journée pour faire ce chef-d’œuvre, et c’est à peine si nous eûmes le temps de boire et de manger. Nous étions si fatigués quand vint le soir, qu’il nous aurait été impossible de retourner à terre à force de rames. Décidés à passer la nuit dans le navire, nous choisîmes pour gîte la chambre du capitaine et nous nous endormîmes sur un matelas, qui nous parut d’autant plus moelleux et doux, que depuis longtemps nous ne dormions que dans des hamacs.

Dès notre réveil le chargement du radeau nous occupa. Après avoir enlevé tout ce qui se trouvait dans la chambre que nous avions habitée pendant notre traversée, nous passâmes dans celles des officiers. Quel beau pillage à faire ! Portes, fenêtres, serrures, malles de matelots, tout fut transporté sur le radeau ; parmi les choses les plus précieuses, je