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extension de la loi de gresham.

Les remarques de Gresham sur l’impuissance des bonnes monnaies à chasser les mauvaises du marché, ne se rapportaient qu’aux monnaies faites d’un même métal ; mais le principe s’applique aussi aux relations de plusieurs monnaies de différents genres qui circulent ensemble. L’or comparé avec l’argent, l’argent avec le cuivre, ou l’or avec le papier, sont soumis à la même loi, c’est-à-dire que le moyen d’échange qui a moins de prix restera dans la circulation, tandis que le plus cher disparaîtra. L’exemple le plus remarquable de ce fait, qui se soit jamais rencontré, s’est produit au sujet de la monnaie japonaise. Lors du traité de 1858, conclu entre la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Japon, et qui ouvrit en partie ce dernier pays aux commerçants européens, il existait au Japon un système monétaire très-curieux. De toutes les monnaies japonaises, celle qui avait le plus de valeur était le Kobang, consistant en un disque d’or mince et ovale, long de deux pouces environ, large d’un pouce 1/4, pesant 200 grains, et portant une ornementation extrêmement primitive. Elle avait cours dans les villes du Japon pour quatre itzebus d’argent ; mais elle valait, en monnaie anglaise, environ 18 shellings et 5 pence, tandis que l’itzebus ne valait que 1 shelling 4 pence. Ainsi les Japonais n’estimaient leur monnaie d’or qu’au tiers environ de sa valeur, si l’on se réfère aux valeurs relatives des métaux dans les autres parties du monde. Les premiers négociants européens trouvèrent là une source de profits comme il ne s’en rencontre guère. En achetant les kobangs au taux du pays, ils triplaient leur argent, jusqu’au moment où les indigènes, voyant ce qui se passait, retirèrent de la circulation le reste de l’or. Maintenant les Japonais opèrent dans leur système monétaire une réforme complète, et leur gouvernement a acheté l’Hôtel de la Monnaie anglais à Hong-Kong.

Ce qui s’est produit sur une si grande échelle au Japon est arrivé souvent en Angleterre et dans d’autres pays d’Europe dans des proportions plus restreintes. Si le rapport de l’or et