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mestiques. On reconnaît généralement que pecunia, nom latin de la monnaie, dérive de pecus, bétail. Nous voyons dans l’Agamemnon d’Eschyle que la figure d’un bœuf fut la première empreinte appliquée sur les monnaies, et l’on en dit autant des premiers as qui furent frappés à Rome. Les recherches des numismates ne confirment pas ces traditions, qui furent probablement imaginées pour expliquer le rapport entre le nom de la pièce et celui de l’animal. On peut trouver, dans beaucoup de langues modernes, un rapport analogue entre les mêmes dénominations. Ainsi les Anglais se servent communément, pour désigner le paiement d’une somme d’argent, du terme fee, qui n’est autre chose que l’anglo-saxon feoh. Or ce dernier mot signifie à la fois monnaie et bétail, et, de plus, il se rattache à l’allemand vieh, qui, aujourd’hui encore, a uniquement la signification primitive de bétail. Ainsi que me l’apprend mon ami, le professeur Théodores, la même relation d’idées se montre dans le nom grec de la propriété, κτῆμα, qui a concurremment le sens de possession, de troupeau, de bétail, et que Grimm rattache à un verbe primitif κέτω ou κετάω, nourrir du bétail. Grimm suppose que la même racine reparaît dans les langues teutoniques et scandinaves, ainsi dans le gothique skatts, le haut allemand moderne schatz, l’anglo-saxon scat ou sceat, l’ancien nordique skat, mots qui tous signifient richesse, propriété, trésor, taxe ou tribut, surtout sous forme de bétail. Cette théorie est confirmée par le fait que l’équivalent frison, sket, a conservé jusqu’à nos jours le sens primitif de bétail. Dans le nordique, l’anglo-saxon et l’anglais, scat ou scot a pris le sens spécial de taxe ou tribut.

Dans les anciens recueils de lois germaines, les amendes sont réellement exprimées en têtes de bétail. Le professeur Théodores m’apprend encore que, dans le Zend Avesta, les honoraires à payer aux médecins sont soigneusement fixés, et toujours on se sert de quelque espèce de bétail pour les évaluer. Dans l’ouvrage si intéressant que Sir H. S. Maine vient de publier sur « l’Histoire primitive des institutions, » la cinquième et la sixième leçons sont remplies de renseignements curieux nous montrant la place importante que tenaient les troupeaux dans la richesse des so-