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voir et de payer journellement les chèques sans s’informer bien soigneusement de leur valeur réelle, il y aurait pour la fraude des facilités immenses. Les faux seraient faciles, mais à peine nécessaires ; car il vaudrait mieux se procurer un livre de chèques, et alors remplir des chèques pour des sommes excédant les dépôts qui sont dans les mains du banquier. Quiconque accepte un chèque le reçoit ainsi avec des risques de fraude ou de banqueroute de la part du tireur. En outre, il est possible que la banque sur laquelle il est tiré fasse faillite ; car c’est un point bien établi par la loi, que, si le détenteur d’un chèque ne le présente pas « en temps raisonnable, » c’est-à-dire au plus tard dans le jour qui suit la réception du chèque, avant l’heure ordinaire de la fermeture des bureaux, il perd ses droits contre le tireur, au cas où la banque sur laquelle le chèque est tiré vient à faire faillite. Il est facile d’en voir la raison ; c’est que le tireur perd le dépôt qu’il avait laissé dans les mains du banquier pour rembourser le chèque, et qu’il ne doit pas souffrir du manque de diligence du détenteur.

Cette loi, ainsi que d’autres dispositions, produit un effet salutaire ; ainsi les chèques ne remplacent pas la monnaie dans la circulation en Angleterre. Mais, comme on les présente généralement un ou deux jours après les avoir reçus, ils servent de simples instruments pour des transferts de monnaie, et n’impliquent pas un crédit d’une longue durée. On n’a rien à gagner a conserver un chèque ordinaire, car il ne produit pas intérêt ; et quelquefois on peut y perdre. Si donc on met de côté la peine qu’exige le recouvrement, aucune raison n’empêche le détenteur de convertir une fois pour toutes son chèque en espèces ou en billets qui, sans lui rapporter plus d’intérêts, sont du moins plus sûrs. Il peut, ce qui vaut mieux encore, déposer la somme chez ses banquiers, en retirer pendant quelque temps un faible intérêt, et tirer à son tour un nouveau chèque lorsqu’il a quelque argent à payer. L’expérience montre que cette dernière façon d’agir est la plus satisfaisante ; car l’argent est d’ordinaire plus en sûreté et plus facilement disponible dans les mains d’un bon banquier que partout ailleurs ; et en général, dans cette situation, il ne